jeudi 27 mars 2014

En Arles, on a retrouvé notre Latin



Il faut rendre à  Jules César ce qui lui appartient. C’est bien en effet grâce à lui que la ville d’Arles peut nous permettre d’immerger notre imagination dans un véritable  décor de péplum de l’Antiquité Romaine. Durant l’occupation romaine, Arles se nommait Aurélate. Ce qui veut dire en langage celtique « près de l’étang ». Les marais camarguais ne datent donc pas d’aujourd’hui. Dans ce village on y pratiquait l’art de la construction de bateaux à fond plat pour naviguer sur le Rhône et parmi les marais. En 2004 des plongeurs en ont trouvé un spécimen remarquablement bien conservé, enfoui dans les limons du fleuve. En l’année 49 avant J.C., jules César, pendant son occupation de la Gaule, se trouve confronté à une guerre civile qui l’oppose à son rival Pompée. Pour le contrer sur les rives de Massala (Marseille) il commande une flotte de 300 bateaux aux constructeurs navals d’Aurélate qui s’exécutent en un temps record. César, en descendant le Rhône, surprend les armées de Pompée et remporte la victoire. 
Pour remercier Aurélate de cette efficace collaboration, il colonise la cité. Ce qui nous montre qu’à cette époque la colonisation n’avait pas un caractère péjoratif.
Trois siècles plus tard, l’empereur romain Constantin 1er complète le faste de la ville, où il y a séjourné, en créant les superbes monuments que sont les arènes, le théâtre, le cirque, le forum et de somptueuses villas de notables. D’où le surnom de « petite Rome », attribué à Aurélate (Arles).
En ce lundi printanier et ensoleillé du 24 mars 2014, scindés en deux groupes, nous sommes partis,  accompagnés de 2 guides compétents, à la découverte de cette civilisation antique qui a inspiré, au cours des siècles, tous les grands chefs d’Etats et les grandes tyrannies. Nous avons commencé notre périple par les fondations du Forum, les cryptoportiques qui se visitent dans les sous-sols de l’actuel Hôtel de Ville. Ces galeries voûtées, en pierres de taille, soutenaient les murs du Forum en rectifiant la dénivellation du sol pour les mettre à niveau. Le gigantisme des blocs de pierre et la perfection de leur taille reflètent le génie des architectes et la somme de travail effectué. La définition « un travail de romains » prend tout son sens au cours de cette visite.
Les vestiges du théâtre antique ont permis à nos guides d’exprimer leur talent de narration pour nous faire revivre les nombreuses festivités et représentations données gratuitement aux habitants, en l’honneur des notables et des gouverneurs de cette fastueuse époque. Nous avons même appris qu’on pouvait assister à des spectacles très appréciés de danseuses légèrement vêtues. Les « Folies Bergères » n’ont rien inventé ! Idem pour les arènes où les combats de gladiatrices étaient autant prisés que ceux des gladiateurs ou ceux organisés contre les bêtes sauvages. Nos guides ont un peu atténué la dramatisation de ces combats en précisant que souvent, pour épargner les plus valeureux, on s’arrêtait au premier sang versé. Il n’y eut pas non plus de persécutions religieuses au sein des arènes.
Après avoir dégusté la traditionnelle guardiane de taureau près de la place du forum où veille en permanence la statue du poète local, Frédéric Mistral, nous partons pour des lieux encore plus solennels. Les Alyscamps, ou Champs Elysées en provençal, désignaient une importante nécropole romaine où reposaient de magnifiques sarcophages de marbre blanc décorés par de superbes bas reliefs. L’apparition du christianisme imprima en ces lieux ses lettres de mysticisme et son cortège de légendes. Par exemple, Le premier évêque, nommé plus tard Saint Trophine, aurait vu le Christ lui apparaître lors de la bénédiction de la nécropole où il aurait laissé l’empreinte de son genou sur la pierre d’un sarcophage. Saint Genest, greffier au tribunal, refusa de rédiger la condamnation à mort d’un groupe de Chrétiens. Pour cela il fût décapité. Après avoir senti sa tête rouler au sol, le malheureux martyr eut, parait-il, le temps de la ramasser pour aller la jeter dans le Rhône. On la retrouva en Espagne. Peut-être est-ce ainsi qu’Arles devint une ville départ pour le pèlerinage de Compostelle ? Ainsi, au moyen-âge, les Abyscamps sont devenus le cimetière le plus célèbre de l’occident où les fidèles de tous horizons voulaient se faire inhumer, moyennant parfois de fortes sommes d’argent. Malheureusement, les turpitudes de l’Histoire  ont laissé place aux saccages et aux profanations. 
De nombreux sarcophages volés ont servi d’abreuvoir pour les animaux. Il a fallu attendre le 18ème siècle pour que l’ordre religieux des Minimes rende à ces lieux  le caractère du sacré en mettant en scène ces allées bordées de sarcophages en pierre qui conduisent à l’église romane de Saint Honorat. Van Gogh et Gauguin furent séduits par le charme de cet endroit et le reproduiront sur leur chevalet.

Les plus beaux sarcophages en Marbre blanc ornés de talentueux bas reliefs qui ont pu être jadis préservés du vandalisme, sont actuellement exposés au Musée Régional Arles Antique. C’est là que s’est terminée notre visite. Nous avons pu admirer, entre autres merveilles (maquettes et mosaïques), la fameuse épave du chaland datant de 60 ans avant J.C. et repérée en 2004 sur la rive droite du Rhône. Son extraction a eu lieu en 2011. Elle a duré 7 mois. Cinquante spécialistes ont dû la  fragmenter en 9 parties sur les 31 m de sa longueur pour les reconstituer dans l’immense salle du musée. Pour nous, séniors retraités, il fut réconfortant de regagner nos berges de Bédarieux après avoir constaté que l’Ancien gardait toujours ses valeurs et pouvait être admiré en tout temps et en tous lieux.

Paul Boisset




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