Il nous attendait patiemment, baigné de lumière dans
le port de Marseille. Sous la protection de la « Bonne Mère » campée
sur son monticule de roches blanches, le « Girolata », navire de
taille moyenne avait fière allure. Nous avons été bien accueillis par son
personnel qui nous a invités à prendre possession de nos cabines afin de
traverser la nuit dans les meilleures conditions pour être frais et dispos le
lendemain, dès l'aube, au port d'Ajaccio.
Quand la sirène du départ a poussé son meuglement
libérateur, nous avons pris place dans les locaux vitrés du restaurant et avons
pu ainsi faire nos adieux au port radieux, au Château d'If, à la « Baie
des Singes » et à quelques calanques qu'on pouvait encore apercevoir avant
de prendre le large. Après le coucher du soleil sur l'horizon nous nous sommes
concentrés sur nos assiettes pour déguster le bon repas qui nous avait été
préparé.




« Ajaccio, Ajaccio... » Personne n'a chanté
ce gai refrain qu'entonnait jadis Tino Rossi dans l'opérette
« Méditerranée ».Mais nous étions quand même heureux de débarquer à
bon port, comme on dit. Avant de commencer notre périple sur l'Ile de Beauté,
impossible d'imaginer que l'on puisse éviter une petite visite à la statue de l'Empereur des français. Celle qui fut
édifiée près de la grotte où il méditait enfant, face à la mer, sur son avenir
et sa destinée qu'il pressentait peut-être exceptionnelle. Puis on ne pouvait
pas non plus éviter de rendre une petite visite à la maison natale du petit
Napoléon. Là où il est resté finalement très peu de temps avant de partir faire
ses études sur le continent, avant que maman Laéticia ne marmonne sans cesse
« pourvu que ça dure! » Bourgeoise, certes, mais simple, cette
demeure discrète dans les rues étroites d'Ajaccio présente un aspect émouvant
où l'on imagine la vie d'une famille ordinaire qui ne s'attendait pas à être
définitivement inscrite dans les pages de l'Histoire.
Après le café, en route pour les choses sérieuses. Le
vrai dessert ou le plat de résistance, selon les appétits, il nous attendait
sur les routes de la Haute Corse, à l'ouest, là où l'on peut admirer le coucher
du roi soleil dans tous ses éclats et ses apparats, surtout quand il embrase
les falaises rouges et découpées des calanques de Piana. C'est un festival de
couleurs, d'architecture que seule dame nature sait nous offrir. Nous avons été
impressionnés par ces roches imposantes et majestueuses qui plongent dans une
mer bleue nuit, calme et brumeuse. Pour les peintres et les photographes, il
paraît qu'il n'y a rien de plus bête qu'un ciel bleu. Il est vrai qu'à la
lecture de nos clichés souvenirs, ils ne manquent pas de charme et de
romantisme ces massifs qui se forcent à rougir de honte ou de plaisir,
enveloppés dans le lointain par de fines écharpes grises et transparentes. Dans
le groupe, s'il y avait un homme qui ne devait pas s'attarder sur la qualité
picturale des paysages, c'était bien notre chauffeur Fouad, un garçon charmant
et expérimenté. Notre guide Roger, ne cessait d'en vanter les mérites et les
qualités tout au long du parcours. Peut-être pour conjurer le mauvais sort? A
chaque virage il fallait négocier avec les conducteurs des autres véhicules qui
se serraient en face de nous comme ils pouvaient le long du précipice. Parfois
il fallait descendre pour aider à diriger les manœuvres. Avec une moyenne de
22kms heure nous arrivâmes tardivement à Calvi. Le confort de nos chambres dans
un luxueux hôtel trois étoiles nous a bien aidés à récupérer de la fatigue,
surtout pour ceux qui avaient passé une nuit un peu agitée sur le bateau.
Le lendemain, le vent qui souffle souvent et fort sur la merveilleuse baie de Calvi avait
nettoyé le paysage de toutes brumes
perturbatrices et inondé ciel et mer d'un bleu vif soutenu. Après avoir pu
admirer l'étendue de la baie, surmontée de son imposante citadelle génoise,
nous nous sommes approchés plus près des remparts pour écouter l'histoire de
ces murs bien conservés que nous a conté avec plaisir notre guide Roger. Pour
la suite de l'historique du peuple corse, en route pour la ville de Corte
perchée sur son nid d'aigle en montagne. Ce lieu est approprié puisque c'était
l'ancienne capitale de la Corse. Mais avant de continuer cette histoire
tumultueuse et compliquée, allons déjeuner chez Jacqueline, une restauratrice
originaire du pays qui s'impatientait à cause de notre retard pour nous faire
goûter les spécialités corses, à savoir la fameuse charcuterie issue de ces
porcs élevés en semi liberté et du « brucciu » un fromage frais de
chèvre ou de brebis. Nous l'avons dégusté en boulettes frites et en canellonis
moelleux. Un régal!
Pas le temps de s'attendrir sur cette gastronomie
locale, le petit train nous attendait pour escalader Corte et visiter la
vieille ville à 1100m d'altitude. Chargée d'histoire et théâtre d'évènements
importants pour la vie du peuple corse, la citadelle et son ancienne caserne
perchée sur son impressionnant piton rocheux inspirent notre guide pour nous
énoncer toutes les invasions et les colonisations qui façonnèrent tout au long
des siècles le caractère méfiant et rebelle de ce peuple insulaire tant de fois trahi et opprimé. C'est là
qu'après les révoltes populaires contre les humiliations et les oppressions
fiscales qu'imposaient les redoutables et redoutés génois, Pasquale Paoli se
fit élire, en 1753, Général de la Nation. Il organise à Corte un gouvernement
indépendant dont s'inspireront les tous
nouveaux Etats Unis d'Amérique pour
établir leur constitution. Il crée sa propre monnaie, une imprimerie nationale
et une université. En 1768, lassée du caractère rebelle du peuple Corse, Gènes
cède l'Ile à la France. Évènement d'importance dans la destinée des peuples car
sans lui Napoléon ne serait jamais devenu l'empereur des français.
Abreuvé de ce riche « bouillon de culture »,
nous voilà partis pour nous établir dans un village de vacances de la Basse Corse sur les bords de la côte
Est à Favone.

Le lendemain, une matinée à la plage ! La mer
Thyrénéenne était calme et chaude, très appréciable pour la baignade.
Changement de décors pour l'après midi. Les montagnes de Bavella, en aplomb du
village de vacances sont parait-il les plus belles du Massif montagneux de
Corse. Entre les pins surgissent d'énormes blocs de granit grisâtres comme des
dos d'éléphants. Des animaux y vivent en semi-liberté et nous avons rencontré
des vaches courtes sur pattes avec belles robes et un altier port de cornes à
bouts noirs ainsi que de petits pourceaux qui venaient quémander de la nourriture.
Arrivés au sommet du col à 1243 m d'altitude, il a fallu se munir d'une petite
laine pour affronter un vent frais mais tonifiant, contrastant avec la
température matinale. Même le ciel se voulait farceur en nous cachant parfois
les hauts sommets, véritables dentelles de Pierre dans des rubans cotonneux
qui, en s'étirant, nous permettaient un éclairage furtif où il fallait
rapidement déclencher les objectifs photographiques. La récompense était belle
car nous assistions à un spectacle grandiose que seuls peuvent nous offrir les
paysages de haute montagne. Les nombreux virages de la descente nous ont fait
regretter la douce conduite de notre chauffeur Fouad et de son super car
Mercédes qui goûtait un repos bien mérité ce jour là. Après avoir calmé nos estomacs
chahutés, un trio de chanteurs corses nous a fait passer une très bonne soirée.
S'il fallait nous convaincre de la diversité des
paysages corses, la visite de Bonifacio en était la démonstration éclatante.
Après avoir admiré les massifs de granit rouge, rose et gris, voici les
falaises blanches, éclatantes de lumière au bord desquelles se perchent des
habitations. Elles semblent défier les lois de toute élémentaire prudence voire
même celles de l'apesanteur. Au milieu de la matinée nous avons embarqué sur
des petits bateaux pour faire le tour de cette pointe extrême de la Corse, face
à la Sardaigne. Là aussi certains estomacs furent un peu malmenés, chahutés par
des vagues qui contrastaient merveilleusement avec les falaises grâce à leur
bleu « outre-mer » quelles semblaient offrir pour se faire pardonner
leur indélicatesse. L'après midi nous aurions souhaité visiter plus longtemps
la haute et vielle ville où ont séjourné Charles Quint et Napoléon en visite
chez un cousin, d'où le nom de la rue des deux empereurs. Mais les
organisateurs ont préféré que l'on goûte une dernière fois aux joies de la
plage de Favone. Fatalité ou coquin de sort, les méduses étaient de sortie et
ont mal accueilli certains baigneurs malchanceux. Urticantes mais non dangereuses
les caresses de ces tentacules gélatineuses furent oubliées dès le lendemain.
Le lendemain visite de la haute ville de Porto
Vecchio, hélas la vue sur la baie et les anciens marais salants a été
confisquée par les terrasses des brasseries et des restaurants. L'après midi
visite d'Aléria, ancien port grec dans lequel sont effectués d'importantes
fouilles archéologiques.
Le dernier jour, nous n'avons pas coupé à la visite
d'une charcuterie : passage obligé ! Pour terminer par une visite de la vielle
ville de Bastia.
C'est avec quelques regrets et un certain sentiment de
frustration car il y avait encore tellement à voir, à visiter, à découvrir, que
nous avons embarqué le soir sur le magnifique bateau: « Danielle
Casanova » du nom d'une héroïne locale de la Résistance.
Sur le chemin du retour un petit détour pour voir les
Baux-de-Provence, histoire de ne pas se quitter comme ça, trop brutalement. Bon
déjeuner au restaurant et spectacle de projection picturales des tableaux de
Manet, Chagal et Renoir sur les murs d'une ancienne carrière de pierres
blanches au grain très fin, ont terminé cette épopée sous l'égide du présumé
fondateur du Château des Baux-de-Provence, le roi Mage Balthazar. Cette maxime
que se sont attribués tous les voyageurs assoiffés d'aventures: « au
hasard Balthazar »
Extrait d'un article de Paul BOISSET
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