dimanche 22 septembre 2013

Un voyage pas assez corsé ?




Il nous attendait patiemment, baigné de lumière dans le port de Marseille. Sous la protection de la « Bonne Mère » campée sur son monticule de roches blanches, le « Girolata », navire de taille moyenne avait fière allure. Nous avons été bien accueillis par son personnel qui nous a invités à prendre possession de nos cabines afin de traverser la nuit dans les meilleures conditions pour être frais et dispos le lendemain, dès l'aube, au port d'Ajaccio. 

Quand la sirène du départ a poussé son meuglement libérateur, nous avons pris place dans les locaux vitrés du restaurant et avons pu ainsi faire nos adieux au port radieux, au Château d'If, à la « Baie des Singes » et à quelques calanques qu'on pouvait encore apercevoir avant de prendre le large. Après le coucher du soleil sur l'horizon nous nous sommes concentrés sur nos assiettes pour déguster le bon repas qui nous avait été préparé.
« Ajaccio, Ajaccio... » Personne n'a chanté ce gai refrain qu'entonnait jadis Tino Rossi dans l'opérette « Méditerranée ».Mais nous étions quand même heureux de débarquer à bon port, comme on dit. Avant de commencer notre périple sur l'Ile de Beauté, impossible d'imaginer que l'on puisse éviter une petite visite à la statue  de l'Empereur des français. Celle qui fut édifiée près de la grotte où il méditait enfant, face à la mer, sur son avenir et sa destinée qu'il pressentait peut-être exceptionnelle. Puis on ne pouvait pas non plus éviter de rendre une petite visite à la maison natale du petit Napoléon. Là où il est resté finalement très peu de temps avant de partir faire ses études sur le continent, avant que maman Laéticia ne marmonne sans cesse « pourvu que ça dure! » Bourgeoise, certes, mais simple, cette demeure discrète dans les rues étroites d'Ajaccio présente un aspect émouvant où l'on imagine la vie d'une famille ordinaire qui ne s'attendait pas à être définitivement inscrite dans les pages de l'Histoire.
Après le café, en route pour les choses sérieuses. Le vrai dessert ou le plat de résistance, selon les appétits, il nous attendait sur les routes de la Haute Corse, à l'ouest, là où l'on peut admirer le coucher du roi soleil dans tous ses éclats et ses apparats, surtout quand il embrase les falaises rouges et découpées des calanques de Piana. C'est un festival de couleurs, d'architecture que seule dame nature sait nous offrir. Nous avons été impressionnés par ces roches imposantes et majestueuses qui plongent dans une mer bleue nuit, calme et brumeuse. Pour les peintres et les photographes, il paraît qu'il n'y a rien de plus bête qu'un ciel bleu. Il est vrai qu'à la lecture de nos clichés souvenirs, ils ne manquent pas de charme et de romantisme ces massifs qui se forcent à rougir de honte ou de plaisir, enveloppés dans le lointain par de fines écharpes grises et transparentes. Dans le groupe, s'il y avait un homme qui ne devait pas s'attarder sur la qualité picturale des paysages, c'était bien notre chauffeur Fouad, un garçon charmant et expérimenté. Notre guide Roger, ne cessait d'en vanter les mérites et les qualités tout au long du parcours. Peut-être pour conjurer le mauvais sort? A chaque virage il fallait négocier avec les conducteurs des autres véhicules qui se serraient en face de nous comme ils pouvaient le long du précipice. Parfois il fallait descendre pour aider à diriger les manœuvres. Avec une moyenne de 22kms heure nous arrivâmes tardivement à Calvi. Le confort de nos chambres dans un luxueux hôtel trois étoiles nous a bien aidés à récupérer de la fatigue, surtout pour ceux qui avaient passé une nuit un peu agitée sur le bateau.
Le lendemain, le vent qui souffle souvent et fort  sur la merveilleuse baie de Calvi avait nettoyé  le paysage de toutes brumes perturbatrices et inondé ciel et mer d'un bleu vif soutenu. Après avoir pu admirer l'étendue de la baie, surmontée de son imposante citadelle génoise, nous nous sommes approchés plus près des remparts pour écouter l'histoire de ces murs bien conservés que nous a conté avec plaisir notre guide Roger. Pour la suite de l'historique du peuple corse, en route pour la ville de Corte perchée sur son nid d'aigle en montagne. Ce lieu est approprié puisque c'était l'ancienne capitale de la Corse. Mais avant de continuer cette histoire tumultueuse et compliquée, allons déjeuner chez Jacqueline, une restauratrice originaire du pays qui s'impatientait à cause de notre retard pour nous faire goûter les spécialités corses, à savoir la fameuse charcuterie issue de ces porcs élevés en semi liberté et du « brucciu » un fromage frais de chèvre ou de brebis. Nous l'avons dégusté en boulettes frites et en canellonis moelleux. Un régal!
Pas le temps de s'attendrir sur cette gastronomie locale, le petit train nous attendait pour escalader Corte et visiter la vieille ville à 1100m d'altitude. Chargée d'histoire et théâtre d'évènements importants pour la vie du peuple corse, la citadelle et son ancienne caserne perchée sur son impressionnant piton rocheux inspirent notre guide pour nous énoncer toutes les invasions et les colonisations qui façonnèrent tout au long des siècles le caractère méfiant et rebelle de ce peuple insulaire  tant de fois trahi et opprimé. C'est là qu'après les révoltes populaires contre les humiliations et les oppressions fiscales qu'imposaient les redoutables et redoutés génois, Pasquale Paoli se fit élire, en 1753, Général de la Nation. Il organise à Corte un gouvernement indépendant dont s'inspireront  les tous nouveaux Etats Unis  d'Amérique pour établir leur constitution. Il crée sa propre monnaie, une imprimerie nationale et une université. En 1768, lassée du caractère rebelle du peuple Corse, Gènes cède l'Ile à la France. Évènement d'importance dans la destinée des peuples car sans lui Napoléon ne serait jamais devenu l'empereur des français.

Abreuvé de ce riche « bouillon de culture », nous voilà partis pour nous établir dans un village de vacances  de la Basse Corse sur les bords de la côte Est à Favone.

Le lendemain, une matinée à la plage ! La mer Thyrénéenne était calme et chaude, très appréciable pour la baignade. Changement de décors pour l'après midi. Les montagnes de Bavella, en aplomb du village de vacances sont parait-il les plus belles du Massif montagneux de Corse. Entre les pins surgissent d'énormes blocs de granit grisâtres comme des dos d'éléphants. Des animaux y vivent en semi-liberté et nous avons rencontré des vaches courtes sur pattes avec belles robes et un altier port de cornes à bouts noirs ainsi que de petits pourceaux qui venaient quémander de la nourriture. Arrivés au sommet du col à 1243 m d'altitude, il a fallu se munir d'une petite laine pour affronter un vent frais mais tonifiant, contrastant avec la température matinale. Même le ciel se voulait farceur en nous cachant parfois les hauts sommets, véritables dentelles de Pierre dans des rubans cotonneux qui, en s'étirant, nous permettaient un éclairage furtif où il fallait rapidement déclencher les objectifs photographiques. La récompense était belle car nous assistions à un spectacle grandiose que seuls peuvent nous offrir les paysages de haute montagne. Les nombreux virages de la descente nous ont fait regretter la douce conduite de notre chauffeur Fouad et de son super car Mercédes qui goûtait un repos bien mérité ce jour là. Après avoir calmé nos estomacs chahutés, un trio de chanteurs corses nous a fait passer une très bonne soirée.
S'il fallait nous convaincre de la diversité des paysages corses, la visite de Bonifacio en était la démonstration éclatante. Après avoir admiré les massifs de granit rouge, rose et gris, voici les falaises blanches, éclatantes de lumière au bord desquelles se perchent des habitations. Elles semblent défier les lois de toute élémentaire prudence voire même celles de l'apesanteur. Au milieu de la matinée nous avons embarqué sur des petits bateaux pour faire le tour de cette pointe extrême de la Corse, face à la Sardaigne. Là aussi certains estomacs furent un peu malmenés, chahutés par des vagues qui contrastaient merveilleusement avec les falaises grâce à leur bleu « outre-mer » quelles semblaient offrir pour se faire pardonner leur indélicatesse. L'après midi nous aurions souhaité visiter plus longtemps la haute et vielle ville où ont séjourné Charles Quint et Napoléon en visite chez un cousin, d'où le nom de la rue des deux empereurs. Mais les organisateurs ont préféré que l'on goûte une dernière fois aux joies de la plage de Favone. Fatalité ou coquin de sort, les méduses étaient de sortie et ont mal accueilli certains baigneurs malchanceux. Urticantes mais non dangereuses les caresses de ces tentacules gélatineuses furent oubliées dès le lendemain.
Le lendemain visite de la haute ville de Porto Vecchio, hélas la vue sur la baie et les anciens marais salants a été confisquée par les terrasses des brasseries et des restaurants. L'après midi visite d'Aléria, ancien port grec dans lequel sont effectués d'importantes fouilles archéologiques.
Le dernier jour, nous n'avons pas coupé à la visite d'une charcuterie : passage obligé ! Pour terminer par une visite de la vielle ville de Bastia.
C'est avec quelques regrets et un certain sentiment de frustration car il y avait encore tellement à voir, à visiter, à découvrir, que nous avons embarqué le soir sur le magnifique bateau: « Danielle Casanova » du nom d'une héroïne locale de la Résistance.

Sur le chemin du retour un petit détour pour voir les Baux-de-Provence, histoire de ne pas se quitter comme ça, trop brutalement. Bon déjeuner au restaurant et spectacle de projection picturales des tableaux de Manet, Chagal et Renoir sur les murs d'une ancienne carrière de pierres blanches au grain très fin, ont terminé cette épopée sous l'égide du présumé fondateur du Château des Baux-de-Provence, le roi Mage Balthazar. Cette maxime que se sont attribués tous les voyageurs assoiffés d'aventures: « au hasard Balthazar »

Extrait d'un article de Paul BOISSET

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